Actualités

Un nouveau modèle pour le déclenchement de la polyarthrite rhumatoïde

La polyarthrite rhumatoïde est une maladie articulaire destructrice qui affecte 0,5% de la population mondiale. C’est une attaque du système immunitaire, supposé nous défendre, qui détruit les articulations. Il n’existe pas de traitement qui guérisse la maladie. La polyarthrite rhumatoïde est précédée et probablement causée par des anticorps appelés «anti-protéines citrullinées» (ACPAs). Ils sont présents chez 2/3 des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde et reconnaissent des résidus citrulline* sur de nombreuses protéines.

* La citrulline est un acide aminé modifié. Les acides aminés sont les briques qui composent les protéines. Au départ, c’est une arginine, qui est ensuite modifiée en citrulline par une enzyme: la peptidyl arginine deiminase (PAD). La transformation d’une arginine en citrulline est une modification naturelle présente chez tous les individus.

Induction d’anticorps anti-protéines citrullinées par immunisation anti-peptidyl arginine deiminase: un modèle murin pour le déclenchement de la polyarthrite rhumatoïde.

Le mécanisme qui cause l’apparition des anticorps anti-protéines citrullinées est inconnu. Seuls les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde ont des anticorps anti-protéines citrullinées. La production d’anticorps dirigés contre un antigène nécessite une activation préalable des lymphocytes T contre cet antigène. La production des anticorps anti-protéines citrullinées est particulière car ils sont produits en absence de réponse lymphocytaire T contre les protéines citrullinées. « Nous avons fait l’hypothèse que c’est l’enzyme PAD qui est reconnue par les lymphocytes T et qui entraine leur activation. Ainsi, les protéines fixées à l’enzyme PAD pour être citrullinées pourraient bénéficier de l’aide apportée par les lymphocytes T qui reconnaissent l’enzyme PAD. » nous explique Isabelle Auger. C’est un mécanisme connu en immunologie, appelé «haptène/carrier». L’haptène (la protéine citrullinée), même dépourvue de motif antigénique capable d’activer des lymphocytes T, peut bénéficier, par contiguité, de l’aide apportée par des lymphocytes T qui reconnaissent le carrier (l’enzyme PAD). « Dans ce modèle, les lymphocytes T spécifiques de PAD peuvent aider des plasmocytes à produire des anticorps contre PAD. Ils vont aussi aider la maturation des plasmocytes qui reconnaissent les épitopes citrullinés présents sur les protéines couplées à PAD. Cela peut permettre la production d’anticorps anti-protéines citrullinées sans activation lymphocytaire T contre les protéines citrullinées. »
Pour tester ce modèle, Isabelle Auger et son équipe ont injecté l’enzyme PAD à des souris et analysé leur réponse immunitaire. Elle a ainsi pu démontrer que ces souris produisent des anticorps anti-protéines citrullinées et que l’activation des lymphocytes T est dirigée contre l’enzyme PAD et non contre les protéines citrullinées (Figure 1, référence 1).

shema souris PR

Figure 1: Induction d’anticorps anti-protéines citrullinées par immunisation anti-peptidyl arginine deiminase (PAD): nouveau modèle murin de la polyarthrite rhumatoïde.

1/ L’enzyme PAD est injectée à des souris. 2/ PAD fi xe
des protéines pour les citrulliner. 3/ PAD est porteuse
de multiples épitopes T qui vont activer des lym-
phocytes T. 4/ Les lymphocytes T spécifi ques de PAD peuvent aider des plasmocytes à produire des anti-
corps dirigés contre PAD mais aussi, par eff et haptène/
carrier, des anticorps dirigés contre tout substrat en train d’être citrulliné par PAD.

L’enzyme PAD : une nouvelle piste thérapeutique dans la polyarthrite rhumatoïde ?

Isabelle Auger nous répond : « Nous recherchons maintenant pourquoi le système immunitaire des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde reconnait l’enzyme PAD. L’inhibition de l’enzyme PAD apparaît comme une piste thérapeutique dans cette maladie que nous envisageons d’explorer.»

Sources
Arnoux F, Mariot C, Peen E, Lambert NC, Balandraud N,
Roudier J, Auger I. Peptidyl arginine deiminase immu-
nization induces anti-citrullinated protein antibodies in mice with particular MHC types. Proc Natl Acad Sci
U S A. 2017 Nov 21;114(47):E10169-E10177. doi: 10.1073/pnas.1713112114.

 

La fondation sur les réseaux